Poser des congés et percevoir en même temps une rémunération majorée ? Ce qui semblait impensable il y a encore peu devient désormais une possibilité concrète. Une décision récente de la Cour de cassation, rendue le 10 septembre 2025, modifie en profondeur la manière dont sont calculées les heures supplémentaires en France. En intégrant les jours de congé dans le décompte du temps de travail, la justice française aligne enfin son droit sur les principes européens. Cette réforme ouvre la voie à de nouvelles pratiques pour les salariés comme pour les services de ressources humaines. Décryptage.
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Quand la jurisprudence européenne redéfinit les heures supplémentaires
Cette décision marque un tournant dans la reconnaissance du temps de travail effectif. Pendant des années, la législation française n’intégrait que les heures réellement effectuées dans le calcul des heures supplémentaires. Un salarié prenant un jour de congé dans la semaine se voyait donc privé du seuil permettant de déclencher la majoration horaire au-delà de 35 heures.
La Cour de cassation a mis fin à cette interprétation, jugeant qu’elle contrevenait au droit au repos garanti par le droit de l’Union européenne. Pour la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), toute règle dissuadant un travailleur de prendre ses congés est contraire à la finalité protectrice du droit social européen.
Cette approche rejoint d’autres décisions européennes récentes, comme celle autorisant les salariés à reporter leurs jours de congé quand ils tombent malades pendant leurs vacances.
En pratique, cette décision met un terme à une inégalité financière entre salariés. Deux travailleurs accomplissant le même volume d’activité sur une période donnée ne seront plus différenciés par la simple présence d’un jour de congé.
Un réalignement attendu entre droit français et droit européen
Depuis plusieurs années, la France faisait figure d’exception dans l’interprétation du temps de travail. Les arrêts successifs de la CJUE rappelaient que les congés payés font partie intégrante du contrat de travail et participent au maintien du salaire.
En ne les comptabilisant pas dans le calcul des heures supplémentaires, la réglementation française incitait indirectement certains salariés à renoncer à leurs congés pour éviter une perte de rémunération.
Le revirement de la Cour de cassation vient donc réparer cette distorsion et réaffirmer le caractère inaliénable du droit au repos.
Des conséquences concrètes pour la paie et les services RH
Pour les entreprises, cette évolution suppose une révision minutieuse de leurs pratiques de gestion du temps de travail. Elle concerne en priorité les salariés dont la durée de travail est décomptée à la semaine.
Un salarié ayant travaillé quatre jours dans la semaine et pris un cinquième en congé verra désormais ce jour intégré dans le calcul du seuil de 35 heures. Si les quatre jours travaillés dépassent déjà ce seuil, les heures excédentaires devront être rémunérées avec la majoration correspondante.
Les salariés au forfait jours ne sont pas concernés par cette évolution, puisque leur temps de travail n’est pas comptabilisé en heures mais en jours.
Une mise en conformité administrative incontournable
Les services RH devront procéder à plusieurs vérifications pour éviter des erreurs de traitement :
- Actualiser les paramètres des logiciels de gestion du temps et de paie
- Examiner les conventions collectives ou accords d’entreprise susceptibles d’être impactés
- Auditer les contrats individuels prévoyant des modalités spécifiques de décompte
Une mauvaise application de cette nouvelle règle pourrait exposer les employeurs à des réclamations rétroactives sur trois ans, délai de prescription applicable en matière de salaire. Cette perspective ouvre la voie à des contentieux potentiellement nombreux.
Je m’intéresse aux questions économiques, à la vie des entreprises et aux enjeux liés à la retraite. À travers mes articles, je décrypte l’actualité du monde du travail et du patrimoine, avec l’objectif d’apporter des informations claires, pratiques et utiles à celles et ceux qui souhaitent mieux comprendre les évolutions du système économique et leurs impacts sur leur quotidien.