La refonte du régime fiscal des pensions de retraite s’annonce comme l’un des chantiers les plus sensibles de la rentrée budgétaire. Le gouvernement envisage de substituer à l’actuel abattement de 10 % une déduction forfaitaire de 2 000 euros par personne. Derrière cette mesure présentée comme un gage d’équité fiscale entre les générations, c’est une hausse d’imposition qui se profile pour l’écrasante majorité des retraités. Zoom sur cette réforme fiscale qui va pénaliser des millions de Français.
Ce que vous allez découvrir :
Vers la fin d’un traitement fiscal différencié selon les générations
François Bayrou, haut-commissaire au Plan, s’est fait le porte-voix d’une réforme qu’il juge nécessaire pour restaurer la trajectoire des finances publiques.
Le Premier ministre, relayé par la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin, a défendu le 15 juillet dernier une mesure phare : l’instauration d’une nouvelle déduction fiscale de 2 000 € pour remplacer l’abattement de 10 % actuellement appliqué sur les pensions de retraite.
Cette mesure, arguent-ils, renforcerait « l’équité entre les retraités eux-mêmes », les plus aisés bénéficiant jusqu’à présent mécaniquement d’un avantage fiscal plus élevé.
Cette approche heurte une partie de l’opinion et relance le débat sur la solidarité intergénérationnelle. Le traitement fiscal uniforme que propose l’exécutif met fin à un mécanisme historiquement lié à la reconnaissance d’une forme de revenu différé, distinct des salaires.
Une majorité de retraités potentiellement perdants
Selon les projections de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), cette réforme impacterait environ 90 % des foyers retraités.
L’abattement proportionnel actuel, appliqué dans la limite de 3 912 euros par foyer, bénéficie davantage aux retraités percevant des pensions supérieures à 20 000 euros par an. Avec un abattement fixe à 2 000 euros, la réforme pénaliserait dès lors une large frange de la population retraitée.
Seuls 100 000 retraités aux revenus modestes verraient leur impôt baisser, selon les estimations communiquées. Pour les autres, la bascule se traduirait par une fiscalité alourdie, dans un contexte d’inflation persistante et d’érosion du pouvoir d’achat.
Voici, à titre illustratif, l’impact estimé selon le niveau de pension :
Montant annuel de la pension | Abattement actuel (10 %) | Nouvelle déduction proposée | Différence fiscale (en défaveur du retraité) |
---|---|---|---|
12 000 € | 1 200 € | 2 000 € | +800 € (gain fiscal) |
20 000 € | 2 000 € | 2 000 € | neutre |
30 000 € | 3 000 € | 2 000 € | –1 000 € (perte fiscale) |
40 000 € | 3 912 € (plafond) | 2 000 € | –1 912 € (perte fiscale) |
Incidences possibles sur les aides sociales
Actuellement, l’abattement de 10 % s’applique également aux retraités non imposables, influant sur les ressources prises en compte pour l’accès aux aides sociales. Le sort réservé à ce nouveau forfait dans le calcul des prestations n’a pas été précisé par le gouvernement.
S’il venait à être intégré au calcul des droits sociaux, 1,5 million de retraités pourraient voir leur revenu fiscal de référence diminuer, selon Sylvain Duchesne, économiste à l’Institut des politiques publiques (IPP).
Ce repli des ressources déclarées pourrait mécaniquement améliorer leur accès à certaines aides :
- Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA)
- Aides personnalisées au logement
- Tarification sociale de l’énergie ou des transports
Mais cette hypothèse va à rebours des ambitions budgétaires portées par l’exécutif. En effet, une hausse de la dépense sociale viendrait neutraliser une partie des 1 milliard d’euros de recettes fiscales supplémentaires escomptées par la réforme.
Des arbitrages toujours en suspens
À ce stade, l’exécutif n’a pas tranché définitivement sur la mise en œuvre de cette réforme. Intégrée à un ensemble plus large de mesures destinées à redresser les finances publiques, la proposition pourrait être amendée lors des discussions sur le prochain projet de loi de finances, attendues à l’automne.
Si la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, maintient l’objectif d’un gain budgétaire net pour l’État, la mesure suscite une vive opposition dans les rangs politiques, aussi bien à gauche qu’à droite.
Je m’intéresse aux questions économiques, à la vie des entreprises et aux enjeux liés à la retraite. À travers mes articles, je décrypte l’actualité du monde du travail et du patrimoine, avec l’objectif d’apporter des informations claires, pratiques et utiles à celles et ceux qui souhaitent mieux comprendre les évolutions du système économique et leurs impacts sur leur quotidien.