Un salarié en arrêt maladie pendant ses congés payés peut-il exiger le report de ses jours de repos ? Cette question, d’apparence simple, soulève en réalité un litige juridique ancien que la France n’a pas totalement tranché. La Commission européenne a relancé le débat en pointant une faille dans la législation française, qu’elle estime incompatible avec le droit de l’Union. Si une réforme a bien été adoptée, elle reste floue sur le cas spécifique des congés déjà entamés. Le contentieux s’inscrit dans un cadre plus large de mise en conformité des États membres avec les règles sur le temps de travail. Voici ce qui pourrait se passer lorsque l’on tombe malade durant ses congés payés.
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Comment sont encadrés les congés et les arrêts maladie en droit français ?
La législation distingue nettement deux dispositifs : le congé payé est destiné à la récupération mentale et au loisir, tandis que l’arrêt maladie vise à permettre au salarié de se soigner.
Ces deux droits, bien que distincts dans leur finalité, peuvent entrer en collision dans une situation banale : tomber malade pendant ses vacances.
Jusqu’à récemment, la jurisprudence française n’admettait pas que des congés payés puissent être récupérés dans ce cas de figure.
Même en cas de maladie attestée, les jours étaient considérés comme consommés, au motif qu’ils avaient été initialement accordés.
Cette interprétation, confirmée à plusieurs reprises par la Cour de cassation, a longtemps prévalu, notamment pour préserver l’organisation des entreprises.
Le droit à un repos effectif, pourtant garanti par la législation européenne, se trouvait ainsi affaibli en cas de maladie intercurrente aux congés.
Une nouvelle règle pourrait tout changer pour les salariés en arrêt maladie pendant leurs congés payés afin de s’aligner au droit Européen.
Ce que prévoit le droit de l’Union européenne
Depuis l’entrée en vigueur de la directive 2003/88/CE, les États membres sont tenus d’assurer à chaque salarié un minimum de quatre semaines de congé effectif par an. Pour la CJUE, cela signifie que le salarié doit pouvoir réellement bénéficier de repos, même si une maladie survient pendant cette période.
Selon la jurisprudence européenne, deux principes s’imposent :
- Le congé payé et l’arrêt maladie répondent à des objectifs différents et ne sont pas interchangeables
- Un salarié malade pendant ses vacances doit pouvoir bénéficier d’un report des jours concernés
Ces règles ont déjà conduit plusieurs pays à revoir leur législation. La France, en revanche, a tardé à s’aligner, et c’est précisément ce retard qui a conduit à l’ouverture d’une procédure d’infraction par la Commission.
Un droit au report introduit, mais une application incertaine
En 2024, une réécriture de l’article L.3141-19 du Code du travail a introduit un droit au report dans certaines conditions.
Le texte prévoit qu’un salarié empêché de prendre ses congés en raison d’une maladie ou d’un accident dispose d’un délai de 15 mois pour les reporter à compter de son retour.
Mais cette formulation reste sujette à interprétation. Plusieurs praticiens du droit estiment que le cas des congés déjà commencés n’est pas clairement visé. Le flou juridique demeure.
Bruxelles met la pression : deux mois pour se conformer
Dans une lettre de mise en demeure adressée à Paris à la mi-juin, la Commission européenne a accordé à la France un délai de deux mois pour adapter sa législation ou démontrer qu’elle est conforme au droit de l’Union en matière de temps de travail.
Cette procédure intervient alors que plusieurs États membres, comme l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas, ont déjà intégré dans leur droit national un mécanisme de report des congés payés en cas de maladie survenant pendant les vacances.
Si aucune réponse satisfaisante n’est apportée dans les délais, la Commission pourra saisir la Cour de justice de l’Union européenne, ce qui pourrait aboutir à une condamnation.