Le gouvernement rouvre le chantier de l’assurance chômage. À l’approche de nouvelles négociations avec les partenaires sociaux, le ministère du Travail souhaite réviser l’un des critères fondamentaux d’accès à l’Allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE). Un changement de paradigme qui pourrait exclure de nombreux demandeurs d’emploi, en particulier les jeunes actifs précaires. Voyons ensemble comment les allocations chômage risquent d’être plus difficiles à obtenir.
Ce que vous allez découvrir :
Un paramètre clé de l’indemnisation en passe d’être modifié
L’exécutif cible la période de référence d’affiliation (PRA), actuellement fixée à six mois de travail sur les 24 derniers mois. Pour les demandeurs d’emploi de 53 ans et plus, ce délai s’étend à 30 mois. Le ministère, par la voix du cabinet d’Astrid Panosyan-Bouvet, envisage désormais d’augmenter ce seuil à huit mois d’activité sur les 20 derniers mois.
Cette proposition, confirmée le 22 juillet par le ministère à Capital, n’est pas nouvelle. Elle figurait déjà dans le décret porté par le gouvernement de Gabriel Attal en 2024, resté lettre morte à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale en juin. L’Unédic, gestionnaire de l’assurance chômage, avait alors conduit une étude d’impact sur ce dispositif, révélée seulement récemment par Le Monde.
Le retour de cette mesure dans les négociations actuelles illustre la volonté gouvernementale de resserrer les conditions d’éligibilité à l’ARE.
Les actifs jeunes enchaînant contrats courts et périodes creuses en première ligne
Ce relèvement du seuil d’affiliation pèserait principalement sur les actifs précaires, en particulier les jeunes hommes, souvent enchaînés à des contrats courts faiblement rémunérés.
Entrant sur le marché du travail via des missions d’intérim ou des CDD, ils peinent à cumuler huit mois d’activité sur une période de 20 mois, en raison de périodes d’inactivité fréquentes.
Même lorsqu’ils remplissent les conditions, le montant des droits reste réduit. Calculée à partir du salaire journalier de référence (SJR), l’indemnisation reflète directement la faiblesse des revenus perçus.
Cette mécanique aboutit à des allocations faibles pour des publics déjà fragilisés, accentuant leur précarité. De plus, le gel des revalorisations menace vos finances en 2026, ajoutant une pression supplémentaire sur des indemnités déjà modestes.
Un segment de cette population est doublement désavantagé : les jeunes hommes alternant missions précaires et activités non salariées, comme des prestations en indépendant ou des périodes exercées sous le régime de la micro-entreprise.
Les allocations spécifiques à ces travailleurs, comme l’ATEI (allocation des travailleurs indépendants), demeurent difficilement accessibles, soumises à des conditions de chiffre d’affaires strictes. Par conséquent, ces profils retombent souvent dans le régime classique, où leur parcours professionnel disjoint rend l’ouverture de droits plus incertaine.
Voici les principales caractéristiques des publics susceptibles d’être exclus :
- Moins de 30 ans, sortant d’un contrat court (CDD, intérim)
- Faibles revenus moyens, souvent inférieurs au SMIC
- Alternance entre emploi salarié et activité indépendante
- Parcours marqué par des interruptions régulières
Des garanties en décalage avec la réalité des réformes
Les précédentes discussions entre partenaires sociaux avaient mis l’accent sur la protection des primo-demandeurs et des seniors, considérés comme plus vulnérables sur le marché du travail. Cette orientation semble remise en question par les dernières propositions gouvernementales.
Le ministère du Travail réaffirme vouloir maintenir un régime dérogatoire pour ces publics, qu’il reconnaît comme « vulnérables », mais l’inscription dans le décret Attal d’un allongement généralisé de la PRA illustre une tendance inverse. La dissolution de l’Assemblée n’a fait que repousser la mise en œuvre de cette mesure.
Le tableau ci-dessous synthétise les différences entre le régime actuel et la réforme envisagée :
Critère | Régime actuel | Projet gouvernemental |
---|---|---|
Période d’affiliation requise | 6 mois d’activité sur les 24 derniers mois | 8 mois d’activité sur les 20 derniers mois |
Cas des 53 ans et plus | 6 mois sur les 30 derniers mois | Maintien envisagé (non précisé) |
Publics protégés identifiés | Primo-demandeurs, seniors | Maintien affirmé, mais contours flous |
Mesure initialement proposée dans | Décret Attal (2024) | Réintégrée dans les négociations de 2025 |
Étude d’impact réalisée par | Unédic (2024), révélée par Le Monde | Non actualisée à ce jour |
Le gouvernement dispose jusqu’à la mi-novembre pour conclure ces discussions avec les organisations syndicales et patronales. La redéfinition des conditions d’accès à l’ARE constitue un levier budgétaire, mais aussi une ligne de fracture sociale.
Je m’intéresse aux questions économiques, à la vie des entreprises et aux enjeux liés à la retraite. À travers mes articles, je décrypte l’actualité du monde du travail et du patrimoine, avec l’objectif d’apporter des informations claires, pratiques et utiles à celles et ceux qui souhaitent mieux comprendre les évolutions du système économique et leurs impacts sur leur quotidien.